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Malcolm et Marie : pas de quartier en amour

Dès le titre, l'effacement d'un personnage féminin placé au second plan derrière son flamboyant conjoint réalisateur ambitieux et bouillonnant de vie dans ses "transes" révoltées pose le décor. C'est d'abord Malcom, puis Marie, et à partir de là débute l'interminable dispute d'1 heure 46 à coups de reproches acerbes, d'insultes ouvertes, de surenchérissements blessants et de révélations stridentes. Huis-clos conjugal épuisant ou incroyable séquence représentant à leur paroxysme les sentiments humains, si contradictoires qu'ils soient ?

Comment dire les choses, mettre des mots sur ses sentiments, trouver l'origine d'un problème sans se lancer dans un imbroglio de reproches gratuits et cruels, alors que le véritable message à passer est une souffrance honteuse à avouer ? Le sentiment d'être bloqué dans une situation inextricable, où les passions se déchainent, entre cris, colère, pleurs, cruauté mais aussi joie, excitation et complicité, telle est la complexité humaine que Sam Levinson dévoile au grand jour. Par delà l'amour se trouve paradoxalement le pire, le besoin de reconnaissance et de réciprocité, la dépendance affective et l'égoïsme amoureux dans lequel on se plonge lorsque l'on sait que, quoi que l'on fasse, on sera aimé inconditionnellement.


Dans leur luxueuse villa, les personnages tentent de s'échapper, de se retrouver et même de disparaître, en passant de pièces en pièces, du jardin à la chambre, de la terrasse au salon, symboles du cloisonnement intérieur qui déchire le couple. Le film en noir et blanc semble rendre compte à la fois de la fine frontière qu'il existe entre amour dévorant et haine incontrôlée, mais aussi de l'intemporalité d'un sujet aussi prosaïque qu'une histoire d'amour. Les acteurs, coincés dans leurs problématiques, sont incapables de se dépêtrer de cette situation, alors que l'effort semble insurmontable. Discrète, posée et passive, Zendaya incarne justement cette personnalité complexe et complexée, qui vit dans l'ombre d'un John Washington révolté, acharné et frénétique. Dès les premiers instants, les personnalités sont posées et la tension qui les accompagnent est présente. Critiques acerbes à profusion, les mots sont des véritables armes destinées à anéantir petit à petit l'autre, jusqu'à l'emporter d'un coup fatal. Je ne m'aventurerai pas à comparer Malcolm et Marie à un film d'action, mais la violence est là, et elle ne fait pas de quartier.


Bien plus qu'une histoire de jalousie, ce qui se joue c'est la mise à nue des personnages, mise à nue effective chez Marie, qui ,d'abord habillée d'une classieuse robe de soirée, s'enfonce dans son bain à mesure que Malcolm l'assaille de révélations brutales. Les vérités qui rejaillissent et blessent délestent le couple de ses apparats, de la politesse et du respect mutuel pour laisser place à une ébullition psychologique crue et cruelle. Dans ce drame, les personnages sont comme noir et blanc et ne s'empêchent aucun coups bas. Il est un provocateur capable de longs monologues enflammés sur la "nana blanche du Los Angeles Times", elle, une réprobatrice sarcastique sans langue de bois qui le remet à sa place ; il est un réalisateur réussi et reconnu sous les feux des paparazzis, elle, une ancienne droguée devenue mannequin qui a abandonné sa carrière d'actrice. L'aboutissement de cette longue et terrible nuit est incertain, alors que les vérités crachées ne supposent aucun retour en arrière possible. Mais peut-on réellement se satisfaire d'excuses sans garder un arrière-goût amer et douloureux au réveil ?



John David Washington et Zendaya se révèlent dans ce drame torturé.


Malcolm & Marie: Zendaya, John David Washington

Photo ajoutée le 8 janvier 2021 | Copyright DOMINIC MILLER/NETFLIX

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