El Presidente : politique et fantastique, un mélange ambitieux
- Margot Simmen
- 27 janv. 2021
- 2 min de lecture
Dernière mise à jour : 11 juin 2021
Quel plaisir de voir l'acteur si charismatique Ricardo Darín endosser le rôle prestigieux du tout nouveau président de l'Argentine ! Avec tout le charme des films hispanophones, El Presidente est un puissant thriller bourré d'illusions. A la veille d'un sommet commercial décisif avec les dirigeants latino-américains, cet homme indéchiffrable doit composer avec une ancienne histoire de corruption. L'arrivée de sa fille dépressive et suicidaire, Marina, vient bouleverser la trame politique.
Dans les hauts sommets de la Cordillère des Andes, où se rassemblent les présidents, les apparences sont trompeuses, les coups-bas, inévitables et les décisions, complexes. Ricardo Darín incarne avec brio cette personnalité qui prône la transparence (d'où les multiples jeux de mots sur son nom "Blanco"...) et la discrétion. Il est "l'Homme invisible", surnom qui lui vaut bien des critiques, celui à qui l'on peut s'identifier, un père anxieux et protecteur et un défenseur des intérêts nationaux. Mais l'ambiguïté de son image réside dans cette double intrigue, à la fois politique et psychologique qui tiraille la figure impénétrable et intègre du président. "Solo la cumbre" clame-t-on à deux reprises dans le film (Que le sommet !), signe d'un parti pris décisif sur l'attitude à adopter. Dans le froid glacial où serpentent des routes de montagne et où les fenêtres donnent sur le vide, la sensation d'un vertige labyrinthique saisit le spectateur. La scène d'hypnose crée un contraste frappant entre l'ancrage dans la réalité politique, et l'émergence de l'étrange et du mystérieux. Parmi tous ces diplomates en costume, Marina, blessée au visage, décoiffée et épuisée se voit pourvue de dons de divination et devient une intruse perturbante. S'installe alors une atmosphère paranoïaque dans cet hôtel isolé, où les portes se tirent, les langues se délient et les rencontres secrètes se multiplient. Cette superposition des genres, entre le réalisme cinglant de la réalité diplomatique et une histoire familiale étrange relevant du fantastique, donne au film une dimension expérimentale et novatrice. Avec ce mélange ingénieux, les frontières entre bienséance, apparence et trouble profond sont brouillées. Que ça soit avec Marina, sa secrétaire dont il est proche, mais aussi avec la troublante journaliste, Hern Blanco multiplie ses allers-retours entre le voile politique et la sphère intime.
Le déroulé du sommet est réussi car mieux maitrisé par le réalisateur Santiago Mitre, qui met en scène élégamment des personnalités fortes et habiles, entre le président mexicain contestataire, le diplomate américain condescendant et le redoutable président brésilien à la recherche d'hégémonie. La fin du film, abrupte, laisse en suspens la dimension psychologique et la résolution de l'intrigue fantastique. Le doute sur le protagoniste et ses secrets s'immisce peu à peu, bousculant l'image qu'il nous offrait. Mécanismes politiques, mises en scène et conspirations secrètes, le jeu diplomatique s'apparente à un périple sinueux pour s'élever vers les sommets les plus enneigés.

Hernán Blanco, stratège et père tourmenté dans ce thriller politique et psychologique en trompe-l'œil
El Presidente: Ricardo Darín, Erica Rivas
Photo ajoutée le 17 mai 2017|Copyright Memento Films Distribution
Stars Ricardo Darín, Erica Rivas
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